dimanche 9 mars 2008

L'île de Chypre se donne un président communiste

Dimitris Christofias, Secrétaire Général du Parti communiste chypriote (Akel, http://www.akel.org.cy), vient d’être élu président de Chypre. Il a obtenu 53,37% des voix, contre 46,63% à son rival conservateur. Son slogan : « Une société juste ».

Ancienne colonie britannique, devenue indépendante en 1960, l'île est divisée, depuis 1974, en deux parties, celle du nord, regroupant des Chypriotes de langue turque, et celle du sud, regroupant des Chypriotes de langue grecque. De tout temps, les colonisateurs britanniques ont joué de l'existence de deux communautés linguistiques différentes pour asseoir leur domination. Cette partition a donc été imposée de longue date dans les esprits par les impérialismes européens et les États-Unis, sans que le peuple chypriote ait son mot à dire. La partition s'est matérialisée suite au coup d’État conduit par les partisans de la « dictature des colonels » en Grèce, qui a conduit à l’invasion de l’île par l’armée turque (prévue de longue date par l'OTAN, qui souhaitait garder ses bases militaires dans cette « île porte-avion »). Les communautés de langue grecque ou turque ont été déplacées de force par l'armée turque pour organiser la partition nord/sud de l'île. D'autres communautés existent (arméniens, « latins » et maronites). Les chypriotes sont donc sous le joug de différents impérialismes : turc, européen (surtout britannique) et américain.

Au nord, la Turquie a installé des colons turcs par dizaine de milliers et a créé la République Turque de Chypre du Nord, non reconnue par la communauté internationale. La Turquie s'est livrée au pillage des ressources de l'île. Les relations entre chypriotes de langue turque et colons turcs eux-mêmes ne sont pas toujours bonnes. Les premiers à souffrir de cette colonisation sont les travailleurs chypriotes de lange turque : la Turquie maintient un faible niveau de droits sociaux, ce qui permet aux patronats européens de faire jouer la concurrence entre salariés (cela coûte moins cher d'avoir une entreprise au nord qu'au sud). Les colons eux-mêmes vivent dans une grande pauvreté. Les turcs se sont aussi livrés au pillage culturel, détruisant d'innombrables églises orthodoxes. Cette situation est d'autant plus intolérable que la Turquie, en s'emparant du nord de l'île, avait accaparé les régions qui possédaient le plus de ressources économiques. Mais, comme tout bon colonisateur, au lieu de les mettre en valeur, elles les a exploités à son profit, au détriment des travailleurs turcs et chypriotes. Comme d'habitude, la division au sein des masses laborieuses profite à la bourgeoisie. A l'inverse, les communistes chypriotes ont toujours été proches des masses, proches des travailleurs de Chypre, quelle que soit leur culture. Ils ont lutté contre tous les impérialismes, car on voit bien que Chypre n'est rien d'autre qu'un énième champ de batailles entre impérialismes antagonistes, au détriment des salariés et des paysans chypriotes. Cette exploitation est menée avec le soutien des États-Unis. L'île est d'ailleurs une des régions les plus militarisées au monde par rapport au nombre d'habitants, puisqu'on y trouve des bases turques, anglaises et américaines.
Ces dernières années, la situation sociale dans l'île s’est particulièrement dégradée au nord : déréglementation du droit de travail, exploitation brutale des travailleurs immigrés, explosion des prix, un Smic qui ne dépasse pas les 600 euros. Les conditions de vie sont difficiles pour les Chypriotes de langue turque, qui souffrent, depuis 1974, d'un embargo et du nationalisme turc. La question nationaliste a été toujours utilisée pour empêcher les luttes sociales. Au sud, le niveau de vie moyen est proche de celui de l'Union Européenne, même si bien sûr les salariés subissent les mêmes pressions que nous de la part du patronat. L’intégration de l'île à l’Union Européenne n’a fait qu’accentuer la division de l’île, car seule la partie chypriote de langue grecque fait pleinement partie de l’UE. Par ailleurs, l'Union Européenne fait subir aux chypriotes les mêmes réformes libérales que nous connaissons. Cela doit changer, car Akel n'est pas favorable au libre-échange sauvage et à la mondialisation capitaliste.

L’élection de Christofias traduit les espoirs pour la justice sociale, pour une solution pacifique au problème chypriote et la réunification du pays, pour une île sans base militaire étrangère. Un président communiste pourra soutenir les luttes des travailleurs chypriotes, qu'ils soient de langue grecque ou turque, et mener à la réunification de l'île. Cependant, contrairement à ce qui est dit, les chypriotes n'ont pas voté seulement communiste « pour la paix », car les deux candidats étaient favorables à la réouverture des négociations.

Mais cette élection, c'est aussi une chance pour la France. Ce président pourra présider l'Union Européenne (la présidence tourne tous les six mois entre les pays membres), ce qui pourra éventuellement faire entendre une voix nouvelle à Bruxelles. « Homme du peuple », unique chef d'Etat communiste en Europe, son parti est toujours doté d'un buste de Lénine. Le nouveau président chypriote sera notre voix à nous aussi. Les 9 et 16 mars, les français peuvent faire le même choix de société que leurs frères chypriotes. Avec le Venezuela, la Bolivie et Cuba, Chypre entre dans le club des nations qui travaillent pour une humanité plus fraternelle. Pour construire une France nouvelle et socialiste dans une Europe démocratique et un monde en paix, dans tous les pays, une seule solution, le vote communiste.

Xavier Dubois,
Membre du Conseil départemental du PCF Nord

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