« Je suis effarée par l’apathie des salariés alors que leur porte-monnaie est vide le 15 du mois. Les salaires moyens nets oscillent entre 1.300 et 1.500 € net. Et pourtant, c’est l’individualisation. Pourquoi n’arrivons nous pas à mobiliser ? » Farida, salariée à France Télécom, n’est pas la seule à s’interroger ainsi à l’occasion du débat sur le pouvoir d’achat organisé à l’initiative des retraités et de l’UL CGT de Tourcoing ce jeudi soir.
Face à un « tableau bien gris, peut-on entrevoir une petite fenêtre d’espérance ? » demande Lucette, jeune retraitée. N’y aurait-il d’autre solution que celles imposées par le gouvernement Sarkozy/Fillon (« tout le monde doit faire un effort ») comme le suggère ce militant UMP qui s’est invité dans la discussion ?
Le tableau décrit auparavant par Josette Colasse, représentante d’Indecosa, Laurent Cordonnier, économiste de l’université de Lille I, et Jacques Lefebvre, de l’Union syndicale des retraités CGT du Nord, n’est en effet pas réjouissant.« Le Nord-Pas de Calais est la deuxième région pour le surendettement (derrière l’Ile de France) », rappelle Josette Colasse.
Aujourd’hui, « n’importe qui peut être surendetté, même si cela touche particulièrement les bas salaires et les retraités » victimes d’une perte d’emploi, d’un accident de la vie (divorce, maladie…), pris dans la spirale infernale des prêts multiples et renégociés, des crédits revolving. « Beaucoup reviennent trois ou quatre fois en commission de surendettement ».
Une économie au service des actionnaires
Il n’est pas étonnant « qu’aujourd’hui on ait l’impression que c’est de plus en plus dur » note pour sa part Laurent Cordonnier. Selon l’universitaire, l’augmentation moyenne du salaire mensuel à temps complet est passée de 4,5 % entre 1951 et 1978 à 0,5 % ces trente dernières années. Le pouvoir d’achat n’a pas augmenté si l’on considère l’ensemble des revenus salariaux, prenant en compte les catégories de salariés soumis aux temps partiels, petits boulots, emplois précaires et autres périodes de chômage. Cette stagnation s’expliquerait par « un ralentissement des gains de productivité du travail » résultant du passage d’une société industrielle à une société de services, moins performante en ce domaine, l’augmentation moins rapide du salaire net par rapport au salaire total (part des cotisations sociales plus importante) et, enfin, à la dégradation du « partage » salaires/profits. Les salaires ne représentent plus que 62/63 % du PIB (produit intérieur brut, niveau des richesses produites par le pays) contre 67/68 %, explique l’économiste.
« Nous sommes entrés dans une période où le capitalisme est complètement dominé par la finance... En 15 ans, les entreprises ont doublé la part qui revient aux propriétaires, passant de 30 % fin des années 70 à 60/70 % aujourd’hui. Les profits servent de moins en moins à l’investissement, de plus en plus les actionnaires ».Pour compléter le tableau, Jacques Lefebvre dénonce la manipulation qui consiste à faire croire que les « petites retraites » bénéficieront d’une augmentation de 200 €. Cette somme n’est qu’une avance déductible des augmentations à venir, attribuée à 600.000 personnes ayant pour seule ressource le minimum vieillesse.
Rien pour les retraites dont le pouvoir d’achat a diminué de 20 % en 20 ans, si ce n’est qu’une augmentation de 1,1 % au 1er janvier quand l’inflation est de 2,8 % sur les douze derniers mois.
Fondamentalement, « il s’agit d’une remise en cause du système de retraites » par répartition, souligne le syndicaliste.Alors que faire ? Jacques Lefebvre invite à « mesurer ce qui se passe dans le pays ». Le gouvernement déclare que les caisses sont vides mais, deux jours plus tard, Roselyne Bachelot trouve 700 millions d’euros pour tenter de désamorcer le conflit avec les médecins urgentistes. Il a dû retirer un amendement prévoyant de récupérer l’APA (Allocation personnes âgées) sur les successions, reculer sur la redevance télé et devant les taxis.« Les patrons sentent qu’il faut soulager la soupape » estime Laurent Cordonnier, qui met en exergue le mouvement inédit dans la grande distribution mais aussi l’augmentation de 5 % dans la métallurgie allemande.
A quelques jours de la journée d’action des retraites du 6 mars, Jacques Lefebvre rappelle que « la France est un pays riche avec un PIB qui est passé de 1.212 milliards d’euros en 1996 à 1.792 milliards en 2007. Les profits des entreprises du CAC 40 atteignent 100 milliards d’euros. En 2007, le patronat a été exonéré de 27 milliards de cotisations sociales. Où va cet argent ? Le SMIC et les retraites à 1.500 € coûteraient 9 milliards d’euros, 0,6 % du PIB ! ».
Source : http://www.libertehebdo.com/
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