Il était aussi une carrure et une voix, puissante et rocailleuse. « Dégarni, grisonnant (rasé ou frisé) » selon son CV, Denis Cacheux maniait l'humour et la gravité, en musiques ou en paroles, soucieux qu'il était de donner la parole aux petites gens, aux laissés pour compte, au monde de la rue. Amateur des textes anciens, il savait les remettre en perspective. On l'a vu, accordéon en mains, debout sur une table au milieu des ouvriers de Terken, à Roubaix, auprès des sans-papiers du Nord, avec les intermittents du spectacle ou dans des fêtes militantes qu'il animait régulièrement. Pilier du festival lillois Wazemmes l'Accordéon, il présidait aussi l'association qui organise le carnaval de Wazemmes, qui démarre ce week-end à Lille. Après avoir longtemps « musardé », l'ado « prolongé » a été marsouin, éducateur, journaliste, tout en montant sur les planches.
En 1980, à 35 ans, Denis Cacheux se lance dans le monde professionnel : chansons de rue à Montmartre, cabarets, théâtre... Avec la compagnie Tant Qu'à Faire qu'il animait depuis vingt-cinq ans, il se produisait ave sa compagne, la comédienne Anne Cuvelier.Après son décès, le monde du spectacle pleure un « artiste de premier plan », indique Claude Vadasz, du festival Wazemmes l'Accordéon, dont Denis Cacheux avait fait l'affiche lors de la première édition en 1992. « Excellent et talentueux acteur », résume Gilles Souris, de l'Espace Gérard Philippe à Feignies, dans l'Avesnois, d'où est originaire. « C'est tout le milieu artistique français qui est (en deuil) en perdant une si belle et si forte personnalité », ajoute Claude Vadasz. Le chanteur lillois Jef Kino se souvient de « quelqu'un de généreux, toujours sur les manif pour défendre les intérêts des artistes et des intermittents, pour défendre tout le monde ».
« Denis était un battant, un combattant, ajoute Jean-Marc Chotteau, du théâtre La Virgule (Tourcoing-Mouscron). Son geste, bien évidemment, interroge ». Laurence Mauriaucourt, journaliste à Liberté Hebdo, a travaillé avec Denis Cacheux sur un récent spectacle rendant hommage à Pierre Semard, cégétiste, co-fondateur de la SNCF et fusillé en 1943.« C'était un personnage, un militant, qui aimait la vie et qui a été fusillé en 1943 pour ses idées », rappelle-t-elle, sans pouvoir s'empêcher de faire le parallèle avec Denis Cacheux. « Ça me fait bizarre de voir un homme plein de vie terrassé par quelque chose ».
Au-delà du monde du spectacle, la mort de Denis Cacheux a fait réagir les militants qui ont croisé la route de l'artiste. Le comité des sans-papiers du Nord (CSP 59) rend hommage aujourd'hui au « camarade » Denis Cacheux. « Stupeur, consternation, douleur et tristesse nous assaillent », écrit-il dans un communiqué. Alain Bocquet, député-maire (PCF) de Saint-Amand, salue l'artiste, mais aussi « un grand humaniste, un homme engagé, entier, chaleureux ». D'autres élus ne manqueront sans doute pas de rendre hommage à l'artiste qui les a aussi beaucoup titillé, en critiquant le lâchage des compagnies théâtrales et des artistes par les collectivités. Un autre spectacle. Denis Cacheux le militant a cessé de combattre. « Si Denis appartient au passé, son engagement, pour toutes les causes écologique, politique, sociale, syndicale, doit nous aider pour le futur », estime Laurence Mauriaucourt.
Denis Cacheux devait participer ce week-end au lancement du carnaval de Wazemmes à Lille. Malgré la disparition de Denis Cacheux, il y aura bien de la musique, un bal et des parades. « Même si c'est compliqué humainement, souligne Claude Vadasz, on va évacuer notre chagrin pour faire la fête ».
MATHIEU HEBERT
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