Discours de Pierric Annoot à Chateaubriant
« Résistance d’hier et d’aujourdhui »« Certes j’ aurais voulu vivre, mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose ». Cette phrase, de Guy Môquet, dans sa dernière lettre à sa mère montre l’engagement d’un homme, d’un jeune. L’engagement d’un jeune de 17 ans pour la liberté, alors que le gouvernement avait fait enfermer son père. L’engagement d’un jeune de 17 ans, qui à l’école luttait contre la stigmatisation de certains de ses camarades de classe, juifs. L’engagement d’un jeune, révolté par l’oppression de ce monde des années 1930, où la droite criait « Mieux vaut Hitler que le Front populaire ».
L’engagement d’un jeune communiste, responsable dans le 17ème arrondissement de Paris.
Ce jeune communiste voulait poursuivre le combat de ceux qui l’ont précédé, pour le pain, la paix, la liberté. Pour, comme il l’écrivait dans un poème avant son arrestation, « pour que vainque le communisme, pour sortir ses camarades de prison, pour tuer le capitalisme ». Ils étaient des milliers de Guy Môquet en France à faire valoir leurs idées. Comme les JC parisiens, qui collaient par milliers des papillons contre l’occupation. Comme les jeunes communistes du Nord qui le mois suivant la débâcle, plongeaient dans la rivière de la Deûle, à Lille pour récupérer les armes laissées par l’armée française. Avec Guy Môquet, ils ont été vingt-six à mourir à Châteaubriant. Tous résistants. C’est ce symbole, c’est cette mémoire, ce sont ces vies que Nicolas Sarkozy a instrumentalisés l’an passé. Il a voulu enrôler ces hommes, la Résistance dans sa conception d’une nation fermée, d’une nation du repli sur soi.
Dans sa conception d’une nation génétique, où l’on entre par test ADN. Dans sa conception d’une nation policière, où la jeunesse subit quotidiennement les contrôles d’identité. Dans sa conception d’une nation aux lois liberticides ou engagement rime avec criminalité. Quand en 2007 il décide de faire lire la lettre de Guy aux lycéens, en 2008 il impose le fichier Edvige pour consigner et dresser des listes des « personnes susceptibles de porter atteintes à l’ordre publics » par leur engagement ou leur appartenances politiques, syndicale ou associative. Guy Môquet avait été arrêté par la police française parce qu’il diffusait un tract comme des centaines, des milliers d’autres jeunes et moins jeunes, en France. Il a été désigné par le ministre de l’Intérieur français de l’époque pour être livré aux nazis, parce qu’il était jeune communiste. Il a été exécuté parce que les nazis voulaient la tête de « patriotes ». Il ne s’agit pas de faire de grossiers parallèles, mais les symboles parlent d’eux mêmes, et c ’est bien dans ce fichier Edvige que pourrait figurer les noms des résistants d’aujourd’hui. Quand en 2007 il fait lire cette lettre, en 2008 il continue de liquider les acquis du programme du CNR. Sarkozy veut en jouant sur les symboles mieux faire oublier les atteintes à nos droits démocratiques et sociaux. Pendant qu’il fanfaronne en lisant Guy Môquet, en invoquant Jaurès, il casse le droit de grève, il casse le code du travail et les 35 heures, Il casse l’université en l’autonomisant, au service du patronat. La droite vide le contenu du message de la résistance, comme elle vide notre territoire des hommes qui en font sa richesse. Elle instrumentalise la mémoire de Guy Moquet pendant qu’elle expulse des sans papiers. Elle glorifie ces jeunes ayant donné leurs vies pour leur patrie pendant qu’elle envoie à la mort ceux qui voudrait en faire partie. Les mots sont forts, mais c’ est bien ce qui est arrivé cette année à Chunian Liu, qui s’est défenestrée à Belleville, à Paris, en tentant de s’échapper quand elle a vu arriver la police. On se souvient d’Ivan, jeune Tchétchène, tombé de son immeuble à Amiens, dans la Somme, en tentant, avec son père, de fuir la police qui entrait dans l’appartement pour les arrêter pour défaut de titre de séjour. On se souvient aussi du jeune sportif kenyan, John Maïna, qui s’est suicidé quand le droit à l’asile lui a été refusé, alors que la police et la milice, dans son pays d’origine, lui promettaient une mort certaine. On se souvient, à Toulouse, de Tarek, Tunisien de vingt-quatre ans, qui s’est jeté du quatrième étage. On peut aussi y ajouter les suicidés en centre de rétention. La politique d’immigration tue aussi à l’étranger les expulsés du territoire, déboutés du droit d’asile parce que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ne veut pas croire les dangers encourus dans leur pays. Ainsi, Elanchelvan Rajendram, père de famille sri-lankais et tamoul, a été abattu par l’armée, il y a un an, devant sa maison sous les yeux de sa femme, quelque temps après son expulsion de France. Il est impossible de connaître le nombre de personnes disparues ou emprisonnées à leur arrivée. Nos 27 camarades sont morts pour la défense de la patrie, la défense de l’héritage du Front populaire et pour avoir combattu le fascisme. Ils se sont engagés parce qu’ils étaient internationalistes et progressistes non seulement pour la France mais pour le monde entier. Ils rêvaient de construire sur les ruines du nazisme un monde d’égalité et de fraternité. « Le mot résister doit toujours se conjuguer au présent », disait Lucie Aubrac. Face à la résignation ambiante, hier comme aujourd’hui, il faut montrer qu’il y a dans ce pays, une France ouverte, une France accueillante, une France qui met la notion de progrès au service de l’humain et non au service des multinationales ou de conceptions rétrogrades de la Nation, et de la société. Pendant la guerre, les résistants étaient l’honneur de la France d’après. Encore aujourd’hui, nous avons la tâche de dessiner la France de demain. Car les résistants n’ont pas fait que résister, ils ont en même temps, inventé. C’est ainsi que le Conseil national de la Résistance a produit, en 1944 un programme du joli nom « les jours heureux ». Ce programme servira de feuille de route dans les années d’après guerre pour la reconstruction, pour bâtir une France sur de nouvelles fondations. De cette époque sortira la Sécurité sociale, l’ordonnance de 1945 sur les mineurs, les nationalisations qui contribuèrent tant à la reconstruction, à la prospérité économique de notre pays. Mais hier comme aujourd’hui, résister, c’est inventer. Résister, ce n’est pas seulement s’arquebouter sur l’existant. Résister aujourd’hui, ce n’est pas avoir un boulot à tout prix, version CPE comme la voudrait Sarkozy. C’est avoir un travail qui permette de se construire, de voir l’avenir, de faire des projets. c’est aussi faire avancer un monde de codéveloppement où les peuples se croisent et avancent ensemble, où les droits politiques, économiques et sociaux des individus progressent de Vancouver à Calcutta, d’Oslo à Johannesbourg. Résister, c’est refuser l’avenir qu’on nous prépare. Aujourd’hui, la situation faite à la jeunesse se dégrade. On le répète souvent, les jeunes d’aujourd’hui vivront moins bien que leurs parents. D’où les expressions récurrentes de malaise dans la jeunesse. On l’a vu lors des révoltes en novembre 2005 dans nos quartiers populaires. C’est pourquoi, la jeunesse a été de toutes les grandes luttes de ces dernières années : contre le CPE, contre la réforme LRU, contre les suppressions de postes dans les lycées, contre l’extrême droite qui aujourd’hui en Autriche refait surface. Aux atteintes qui lui sont portée, la jeunesse répondait dans ses cortèges « A ceux, qui veulent précariser les jeunes, les jeunes répondent : Résistance ! » Si ces mouvements ont porté, si les prochains gagneront, c’est parce que les jeunes ont entrevu qu’une autre société est possible. Hier comme aujourd’hui, plus nous verrons loin, plus nous irons loin. Faire vivre la mémoire de nos 27 camarades aujourd’hui, faire vivre la Résistance aujourd’hui, ce n’est pas s’emparer de la mémoire des résistants pour bafouer les valeurs qui étaient les leurs. Faire vivre la résistance aujourd’hui, ce n’est pas enfermer la lettre de Guy Môquet dans un cours d’histoire pour mieux tourner la page. « La résistance n’est pas une cendre que l’on conserve, mais une flamme que l’on transmet ». Alors aujourd’hui, n’est-il pas indispensable d’entrer en résistance contre un système capitaliste en crise qui broie nos vies au quotidien ? N’est-il pas indispensable d’entrer en résistance contre un système en capacité de sortir plus de 1500 milliards d’euros pour sauver les banques quand 30 suffirait à éradiquer la faim dans le monde ? N’est-il pas vital d’entrer en résistance contre un système qui exploite, qui exclu, qui précarise, qui tue ? Alors oui, entrer en résistance pour combattre, pour inventer, pour créer ! C’ est pour ces raisons qu’aujourd’hui comme hier, s’engager, militer, être insoumis, contester, sont par essence des comportements modernes car émancipateurs. Aujourd’hui les grands censeurs peuvent bien bailloner la liberté d’expression, hier les bourreaux de la résistance ont tué des hommes. Mais il ne pourront jamais tuer leurs idées ! Nous sommes ici pour commémorer ses 27 camarades, morts pour leurs actes, morts pour leurs idées. Les nazis voulaient se venger d’un acte de la Résistance, ce génial mouvement qui unissait communistes et gaullistes, chrétiens et athées, travailleurs français et immigrés, ce mouvement qui voulait bâtir une France ouverte, libre et heureuse ! Les nazis ont frappé. Vingt-sept innocents, dont Maximilien, vingt-et-un ans, dont Guy, dix-sept ans. Alors, soyons dignes d’eux !
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